La vie d’Émile Lazo
C’est à l’automne 1937, au retour de l’exposition universelle de Paris, qu’Omer Parent entreprend la réalisation de l’œuvre expérimentale La vie d’Émile Lazo. En réaction directe à la « loi du cadenas » émise par le gouvernement Duplessis, le titre de ce court-métrage réfère au tout premier film visé par cette nouvelle motion censurogène, imposée aux médias : The life of Emile Zola de William Dieterle (1937).
S’il s’agit là du premier film expérimental achevé par Parent, l’œuvre est également issue d’une collaboration amicale au sein de professeurs de l’École des beaux-arts de Québec qui se prêtent au jeu de l’acteur : la sculptrice Sylvia d’Aoust (1902-2004), la dessinatrice Arline Généreux (1897-1987), la graveuse Simone Hudon (1905-1984), le couple Madeleine Des Rosiers (1904-1994) et son mari Jean Paul Lemieux (1904-1990), tous les deux peintres. À cette petite bande — qui fréquente l’éphémère atelier du « Nordet » où le tournage a lieu —, s’ajoute Robert Lapalme (1908-1997), caricaturiste et illustrateur de talent au style immédiatement reconnaissable, seule figure à ne pas occuper alors un poste de professeur. Sorte d’électron libre, Lapalme, en plus de rédiger le scénario du film en écho à sa propre existence, y incarne le rôle d’Émile Lazo. Terminé au printemps 1938, ce film « amateur » porte sur la condition de l’artiste « moderne » vis-à-vis de l’académisme dont il cherche à se libérer.
Peu après sa création, La vie d’Émile Lazo a été projetée à quelques reprises lors de présentations publiques et particulières dont une visait, en 1941, à célébrer l’installation d’Alfred Pellan — meilleur ami de Parent — dans son nouvel atelier. Depuis cette époque, ce film, dont il n’existe que deux copies sur pellicule, est demeuré pour ainsi dire inédit, connu seulement par quelques amateurs et spécialistes. Zoom-out est fier de présenter cette satire, rare et burlesque.
Note. On remarquera comment le portrait représentant le « Bourgeois de la Grande Allée » renvoie tacitement aux portraits photographiques officiels du premier ministre Maurice Duplessis et de son cabinet réalisés un peu plus tard dans la seconde moitié des années 1940.
Omer Parent (1907-2000)
Originaire de Québec où il complète une formation de peintre à l’École des beaux-arts de Québec (1922-1925), Omer Parent fut également photographe, cinéaste, graphiste publicitaire, décorateur pour les grands magasins montréalais puis professeur et directeur de l’École des beaux-arts de Québec (1949). En 1970, il fonde l’École des arts visuels de l’Université Laval (actuelle École d’art) qu’il dirige jusqu’en 1972. En 1991, Parent a fait don à la BAnQ de plusieurs bobines de films qui témoignent de son activité de cinéaste.
Zoom Out est heureux de pouvoir offrir la première présentation numérique de ces films et documents, largement inédits. Cette présentation a été initiée dans le cadre des activités entourant l’exposition Laisse la fenêtre ouverte, incursion dans l’imaginaire créatif d’Omer Parent, présentée à la Maison Hamel-Bruneau (Québec) du 28 septembre au 18 décembre 2022.
Sébastien Hudon, commissaire
Sébastien Hudon est chercheur en histoire des médias et commissaire indépendant. Il a été commissaire de plusieurs expositions dont Photographes rebelles à l’époque de la Grande Noirceur (1937-1961) (2011) ; Quelques moments d’utopie, NYX/1993*2013 (2013) ; et Jean Soucy, Peintre Clandestin (2015-2017). Il occupe présentement un poste de conseiller de programmes pour Patrimoine Canada.